Comprendre les grands courants de la mode : du workwear à l’activewear

Comprendre les grands courants de la mode : du workwear à l’activewear

Parler de mode, ce n’est pas seulement parler de tendances, de défilés ou de couleurs “in” cette saison. C’est évoquer ce que l’on porte chaque jour, ce que l’on choisit de montrer au monde, ce qui nous fait bouger, travailler, nous affirmer. C’est aussi raconter une histoire : celle des usages, des corps, des luttes et des identités. Bref, la mode est politique, sociale, culturelle, mais surtout : elle est vivante.

Au fil des décennies, plusieurs courants vestimentaires majeurs ont émergé et façonné nos silhouettes. D’abord pensés pour répondre à des besoins fonctionnels — s’équiper pour le travail, le sport ou la guerre — ils ont été adoptés, détournés, réinventés par les populations civiles, jusqu’à devenir des piliers de notre garde-robe contemporaine. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le workwear, le militarywear, le sportswear, le streetwear ou encore l’activewear.

Et si ces courants paraissent parfois opposés — entre minimalisme brut et explosions graphiques, entre vêtements utilitaires et pièces mode — ils ont en réalité un point commun : ils sont tous nés d’un besoin concret, d’un rapport au réel. Ce sont des styles ancrés dans la pratique, qui parlent autant à notre corps qu’à notre culture.

Dans cet article, on vous propose une plongée dans ces courants essentiels de la mode contemporaine. D’où viennent-ils ? Quelles sont leurs pièces emblématiques ? Comment ont-ils évolué et pourquoi sont-ils encore ultra-présents aujourd’hui — parfois dans des formes hybrides ou inattendues ?

C’est parti pour un voyage stylistique entre histoire sociale, analyse culturelle, textile technique et réinvention créative.

 

1. Le Workwear : des mines de charbon aux concept stores

Fonction avant tout

Avant d’être un courant mode, le workwear, c’est un vestiaire professionnel. Un code vestimentaire conçu pour protéger les ouvriers, charpentiers, mineurs, agriculteurs. On est à la fin du XIXe siècle, aux États-Unis. Les vêtements doivent être robustes, pratiques, durables. Pas de superflu : c’est l’efficacité qui prime.

C’est à cette époque que naissent des pièces devenues mythiques :

  • Le denim brut des jeans Levi’s,

  • Les vestes de travail en coton épais ou en canvas,

  • Les salopettes multi-poches,

  • Les boots à embout acier façon Red Wing ou Timberland.

Le workwear est alors synonyme de dignité ouvrière. Il ne cherche pas à séduire, mais à résister : à l’usure, aux flammes, au temps. Découvrir l'histoire du Workwear !


Un détournement culturel

À partir des années 80, ces vêtements de travail sont détournés. Par qui ? Les skaters, les rappers, les graffeurs : toute une jeunesse urbaine qui s’approprie ces pièces bon marché, résistantes, un peu brutes. Carhartt, Dickies, Levi’s deviennent des uniformes de rue. Et le workwear entre dans la culture populaire.

Dans les années 2010, ce style revient en force, dans une version plus haut de gamme. Le vêtement de travail devient objet de mode : bien coupé, fabriqué localement, pensé dans une logique de durabilité. Des marques comme Bleu de Paname, Service Works ou Arpenteur revisitent les classiques en version éthique et stylée.

Pourquoi ça marche encore

Le workwear rassure. Il évoque l’authenticité, la solidité, le retour au concret. Il séduit aussi par sa capacité à mixer minimalisme et fonctionnalité. On ne le porte plus pour travailler… mais pour afficher un certain rapport au monde. Il est devenu une posture esthétique et politique.

 

Militarywear : l’uniforme qui traverse les genres

Héritage militaire, usage civil

Autre courant né de l’utilitaire : le militarywear. Comme son nom l’indique, il puise dans l’uniforme. Après la Première et surtout la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses pièces militaires sont recyclées par les civils. Pourquoi ? Parce qu’elles sont :

  • Solides

  • Pratiques

  • Multipliables à l’infini

Le trench, par exemple, était à l’origine un manteau d’officier britannique. Le bomber MA-1 ? Une veste de pilote US. Le treillis camouflé, la parka M65, les rangers… Toutes ces pièces deviennent, à leur manière, des basiques du vestiaire masculin.

 

Code vestimentaire et contre-culture

Dans les années 60 et 70, le militarywear est aussi détourné pour critiquer le pouvoir militaire lui-même. Les pacifistes, les militants de gauche, les punks, puis les ravers s’en emparent. Porter une parka devient un acte de résistance. Plus tard, les designers comme Yohji Yamamoto, Helmut Lang, Raf Simons ou Alyx injectent des références militaires dans leurs défilés, mais toujours avec une lecture critique ou décalée.


Le come-back technique et engagé

Aujourd’hui, le militarywear séduit à nouveau pour ses qualités techniques et esthétiques. On cherche du vêtement capable de durer, d’être utile, de se faire discret. Les codes militaires infusent dans le techwear comme dans le minimalisme fonctionnel.

Et côté éthique ? On voit émerger un retour du surplus, du vintage, du recyclé. Des marques comme Vollebak, Snow Peak ou And Wander proposent une version contemporaine du vêtement de combat : high-tech, sobre, ultra résistant… mais pacifiste.

 

Sportswear : du stade à la rue, le confort en héritage

L'origine : quand le sport crée le style

Le sportswear désigne à l’origine des vêtements conçus pour la pratique sportive : jogging, polo, short, sweat, hoodie, etc. On est dans l’Amérique des années 20-30, et ces pièces apparaissent d’abord dans les universités et les clubs sportifs de l’élite blanche.

Mais ce sont surtout les années 70 et 80 qui vont faire exploser le genre. Pourquoi ? Parce que le sportswear, c’est l’entrée du confort dans la mode quotidienne. Les vêtements pensés pour courir, transpirer, s’échauffer, deviennent des vêtements à vivre : amples, faciles à enfiler, conçus pour bouger.


Le sportswear devient lifestyle

Nike, Adidas, Reebok, Puma : ces marques ont transformé les codes du sport en identité vestimentaire globale. Grâce à la montée du hip-hop, les survêtements, les baskets, les casquettes deviennent des éléments de style. Le sport ne reste pas sur le terrain : il entre dans la rue, dans la pop culture, dans les clips vidéo.

La consécration ? C’est le moment où des marques comme Ralph Lauren ou Lacoste transforment le sportswear en élément chic. Le jogging devient un signe de cool, parfois même de luxe discret.

La normalisation du confort

Aujourd’hui, le sportswear a envahi tous les segments de la mode. Le hoodie est une pièce essentielle du vestiaire masculin et féminin. La sneaker est devenue l’objet mode par excellence. Et les marques continuent d’innover : matières respirantes, textiles recyclés, coupes hybrides.

Le sportswear, c’est un peu la victoire du “bien-être vestimentaire”. Un rapport plus doux, plus souple, plus permissif au corps et au style.

 

Activewear : le corps en mouvement, la mode en transition

Une génération qui bouge… et qui le montre

Né dans les années 2010, l’activewear est souvent confondu avec le sportswear. Pourtant, il a une identité propre. Là où le sportswear est une influence stylistique, l’activewear est un segment à part entière, au croisement du vêtement technique et du vêtement de tous les jours.

On y trouve des leggings, des brassières de sport, des crop tops, des vestes zippées, des sneakers de performance, souvent en matières stretch, respirantes, écoresponsables.

Le concept ? Pouvoir aller à un cours de yoga, bosser en coworking, faire ses courses… sans jamais se changer. C’est une mode née pour une génération multitâche, mobile, qui veut du style et du pratique.


Des marques engagées

Ce n’est pas un hasard si l’activewear est aussi un secteur en pointe sur la durabilité. Beaucoup de jeunes marques — comme Girlfriend Collective, Patagonia, Organic Basics, Circle Sportswear ou Vaara — insistent sur :

  • des matières recyclées ou végétales,

  • une production éthique,

  • des coupes pensées pour tous les corps.

L’activewear, c’est la mode du corps en mouvement, mais aussi du corps libre, inclusif, sain, fort.


Vers l’athleisure

Là où ça devient intéressant, c’est quand l’activewear rencontre le luxe et le prêt-à-porter. On entre alors dans l’ère de l’athleisure — contraction de "athletic" et "leisure" — soit une mode inspirée du sport, mais totalement déconnectée de la pratique. Porter un legging technique sans faire de fitness ? Oui, et c’est même un statement.

C’est là que l’activewear devient une esthétique globale, pas juste une tenue. Elle évoque la discipline, l’équilibre, mais aussi un nouvel idéal de mode : confortable, clean, active et stylée.

 

Tout comprendre sur la tendance activewear !

 

Streetwear : la rue comme défilé

Une histoire de réappropriation

Le streetwear, c’est peut-être le courant le plus radical de cette liste. Né dans les rues, dans les communautés racisées, marginalisées, oubliées par la mode “officielle”, il est aujourd’hui une des influences majeures de la mode mondiale.

Son histoire commence dans les années 80, entre skate culture californienne et hip-hop new-yorkais. Des marques comme Stüssy, Supreme, FUBU, Ecko Unltd ou Wu-Wear posent les bases d’une mode faite par et pour les jeunes, à mille lieues des codes bourgeois.


Les fondamentaux du streetwear

Qu’est-ce qui définit le streetwear ?

  • Des couleurs vives, des logos forts, des coupes amples

  • Une attitude : l’insolence, l’ironie, le détournement

  • Une valorisation des collectifs, des communautés, de l’underground

  • Un goût du drop, de l’édition limitée, de la rareté

Le streetwear, c’est autant un style qu’un système économique. Les marques misent sur le buzz, la désirabilité. Et ça marche : des jeunes campent devant les boutiques pour choper une collab.


Du bitume au catwalk

À partir des années 2010, c’est l’explosion. Des maisons de luxe comme Louis Vuitton, Dior ou Balenciaga s’emparent des codes street. Virgil Abloh devient directeur artistique de LV Homme. Supreme collabore avec tout le monde. Le streetwear entre dans les musées, les galeries, les défilés.

Mais cette récupération n’est pas sans poser question. Le style de la rue est parfois vidé de son sens social, de son identité politique, pour être juste une tendance. Certains y voient une trahison. D’autres, une victoire.


L’avenir du streetwear ?

Aujourd’hui, le streetwear est à la croisée des chemins. Certains labels comme Daily Paper, Pyer Moss ou Ader Error lui redonnent du sens, en reconnectant l’esthétique au message. D’autres choisissent le minimalisme, la coupe clean, le message subtil.

Dans tous les cas, une chose est sûre : le streetwear a changé la mode. Il a cassé les frontières, ouvert les portes, redonné la parole aux jeunes. Et ça, ce n’est pas prêt de s’arrêter.

 

Courants transversaux & tendances émergentes

Le normcore, l’anti-style devenu style

Dans les années 2010, un courant un peu OVNI fait surface : le normcore. Un style qui prône... l’anti-style. Jean brut, pull uni, baskets blanches. Pas de logos, pas de provoc’, juste une apparente neutralité vestimentaire.

Mais derrière cette normalité affichée, il y a une forme de résistance aux injonctions de la mode. Ne pas chercher à se distinguer, c’est en soi une posture. Le normcore pose la question : et si la vraie distinction, aujourd’hui, c’était l’invisibilité ?

Le phénomène a vite été récupéré par les marques (Céline, Balenciaga, Uniqlo), et a laissé place à ce qu’on appelle désormais une esthétique “quiet luxury” : du basique, du bien coupé, du discret… mais ultra travaillé.


Le gorpcore : technique, mais cool

Autre tendance de fond : le gorpcore (de “Good Ol’ Raisins and Peanuts”, en référence aux snacks de randonneurs). Ici, c’est l’esthétique outdoor qui est à l’honneur : vestes imperméables, doudounes techniques, chaussures de trail, sacs banane.

Des marques comme The North Face, Arc’teryx, Salomon, ou Patagonia sont devenues des icônes street malgré elles. Car le gorpcore, c’est à la fois :

  • une admiration pour la fonctionnalité pure,

  • une référence au survivalisme doux,

  • une réponse à l’urgence écologique : la nature revient dans le vestiaire urbain.


L’ultra-personnalisation & le style patchwork

Le numérique, les réseaux sociaux et les plateformes de seconde main ont bouleversé les codes. Aujourd’hui, une génération (Z et Alpha) se fiche des étiquettes figées. Elle puise dans tous les styles :

  • vintage des années 2000,

  • inspirations Y2K, grunge, fairycore,

  • recyclage d’éléments workwear, sportswear, couture…

La mode devient hyper-individualisée, segmentée, autoproduite. Chacun compose son style comme une playlist, en fonction de ses engagements, son humeur, sa culture. On ne suit plus les tendances, on les fabrique.


La conscience éthique comme méta-style

Enfin, au-delà des silhouettes, une tendance majeure redéfinit tout : l’éthique. Matières biosourcées, upcycling, production locale, transparence… Les consommateurs veulent savoir qui a fait leurs vêtements, comment, et pourquoi.

Les marques qui montent ne sont plus juste “cool” : elles sont engagées, responsables, crédibles. Le style ne suffit plus. Il faut du sens.

Et ce phénomène touche tous les courants : du workwear revisité à la basket en fibre d’ananas (coucou MOEA), du techwear au tailoring durable.

Découvrez les 5 marques de chaussures éthiques à connaître absolument !

 

Vers une mode kaléidoscope

Ce que nous disent ces courants — workwear, sportswear, activewear, streetwear et leurs hybrides — c’est que la mode n’est plus un récit linéaire. Elle est kaléidoscopique, rhizomique, connectée à nos vies réelles.

Elle parle de nos métiers (workwear), de nos loisirs (sportswear), de notre mobilité (activewear), de nos identités sociales (streetwear), de nos crises (normcore, gorpcore), et de nos valeurs (mode éthique, circularité, genre fluide…).

Et si le style ne se limite plus à “ce qui se porte”, il devient aussi un outil narratif, une forme d’expression politique et une manière d’exister dans le monde.

En ce sens, créer un article-pilier sur ces grandes familles stylistiques, c’est permettre aux lecteurs de comprendre l’arrière-plan de leurs propres vêtements. Pourquoi portons-nous ce que nous portons ? Que disent nos hoodies, nos baskets, nos vestes matelassées ?

En retraçant ces influences, on ne se contente pas de faire de l’histoire de la mode. On fait de la sociologie textile. On parle d’humain, de culture, de désir, de contradiction.

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